On ne parle pas de corde dans la maison du pendu
Car pourquoi (S) Remuer le couteau dans la plaie?
Certes, notre présence dans la maison du défunt risque de raviver la peine de ses proches, mais aussi un tant soit peu les en soulager.
Mais est-ce donc un soulagement, que d'oublier une peine juste?
Nous ne soulageons pas leur peine en la leur faisant oublier, mais en la partageant, les amis sont faits pour ça.
Est-ce donc de l'amitié, que de partager ce pour quoi on ne peut payer le prix?
(P) We love the best, and share the rest.
Vous l'appelez "partage"? c'est du pillage.
Mais nous sommes sincèrement touchés par leur peine.
(P) Me blesse qu'on s'intéresse à ce moi qui me bouleverse.
Nos condoléances répondent à un véritable besoin de leur part.
(P) Je partage un fardeau trop léger pour moi, à deux il pourrait faire le poids, en cas d'échec on se mettra à trois.
Et parler de vie dans la maison du mort-né?
(P) La vérité pousse sur les bords des lieux communs et des sentiers battus.
Car la langue de bois est dans le vrai: Tu ne parleras pas de corde dans la maison du pendu!
Pourquoi? pour éviter l'amalgame entre la fin et les moyens.
Tous les chemins mènent vers la mort, la corde, dans le cas du disparu, n'en est qu'un parmi mille qu'il aurait pu emprunter pour y parvenir,
(P) Tant de causes et si peu d'effets,
s'y attarder, c'est faire à un accident de parcours trop d'honneur.
Dans la maison du pendu, la mort est le plat de résistance et la corde, la recette.
Le gourmet idéalement devrait tout ignorer des secrets du chef, pour bien goûter à la mort, il faut l'isoler de l'amont et de l'aval.
PB se tire une balle dans la tête, les commentateurs sont unanimes: "Il y a toujours un mystère dans l'ultime décision de se donner la mort. Mais les raisons qui ont fait basculer PB dans le désespoir sont, elles, bien réelles" (Le Nouvel Observateur).
Quand on n'en sait rien, autant assurer ses arrières,
(P) Le cerveau a horreur de la cause suffisante,
a fortiori du vide causal.
Et s'il avait laissé une lettre d'adieu disant: "Je n'en peux plus" - mais "Je n'en peux plus" est la preuve du contraire...
Et s'il avait laissé une lettre d'adieu disant: "Je me suis donné la mort à cause de la calomnie", faudrait-il parler de calomnie dans la maison de PB?
Non, car la calomnie est plus faible que le suicide, le suicide est l'arbre qui cache le désert vert.
Quand la surface est trouble, laissons la profondeur au scaphandrier, expliquer l'une par l'autre, c'est
(P) Offrir des béquilles à Carl Lewis.
Qui défendra la cause de l'effet?
(P) "Béni soit-Il qui isola le sacré du profane".
Ajoutez de l'ordre au désordre, seul le désordre en profitera, mélangez une matière pure et une matière impure, l'une en sortira impure, l'autre, plus impure encore.
Parler de corde dans la maison du pendu, c'est troquer le terminal contre la logistique, la chose en soi contre un truc. Il est donc de notre devoir de ne pas en parler.
Hélas, nous y parlons de corde, et comment, nous n'y parlons pour ainsi dire que de ça - et du beau temps, et du chômage, et du suicide de PB -, de quoi voulez-vous que l'on y parle, de mort?
Dire, point, n'est déjà pas de ce monde, alors ne point dire...
(P) We love the best and share rest.