Jamais deux sans trois
Don Giovanni: "Je les aime toutes. Etre fidèle à l'une, c'est dédain pour les autres."
Dom Juan: "Toutes les belles ont le droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos coeurs."
(P) Pourquoi une si tu peux deux?, jamais deux sans trois, et cetera, et cetera.
Que veut l'homme? Vouloir.
Vouloir: Ne pas pouvoir autrement.
Que veut l'homme? Vouloir, mais ne peut, Que fait l'homme? il veut bien.
Aspirant à l'abdication du libre arbitre, un accident de parcours il nomme "vocation", une première venue il proclame "femme de ma vie", un mouvement de foule il subit comme "devoir". Travail, famille, patrie, passent par cette appellation contrôlée.
Ne pas pouvoir autrement est un miracle, quand on peut deux, se contenter de un est une blasphème.
Il est vital de ne pas se tromper sur le UN, on ne fait pourtant que ça,
(P) J'ouvre la bouche je suis en soldes.
Pour démasquer un faux UN, essaie deux, le troisième viendra en courant.
Le "mythe" de don Juan est subversif parce qu'il s'attaque aux UN dans tous leurs états: Ni toi, ni foi, ni Roi.
Face à la monogamie faute de mieux, dom Juan est carrément polygame, alors que don Giovanni se contente de l'hédonisme militant.
Face à la monarchie éclairée, face au monothéisme épicier, don Juan clame: Ni Dieu, ni maître, et entre les deux, Dieu, qui est aux cieux.
Contre le UN imposteur, don Giovanni défend les couleurs du pluriel, la foule manque de le lyncher, plus solitaire que lui tu meurs.
Dom Juan et le Misanthrope sont animés par le mépris du Bourgeois Gentilhomme. Leurs diagnostics convergent, mais leurs thérapeutiques bifurquent: dom Juan opte pour la médecine douce, le Misanthrope s'administre une médecine de cheval.
O 1 2+
Pas un si Faux 1 Pourquoi un si
tu peux deux tu peux deux
ascèse monogamie hédonisme
athéisme monothéisme paganisme
anarchie monarchie démocratie
Ne croyant pas en l'UN, ou refusant de se raconter des histoires, Don Juan fait la fête, il entre en libertinage.
Croyant en l'UN, ou refusant d'en abdiquer l'espoir, le Misanthrope guette, il embrasse l'ascèse,
(P) Pas de mirage sans désert.
Don Juan fonctionnaire, le relativiste part en guerre contre le faux nécessaire, revendiqué à tort et à travers, et le plus souvent, à découvert.
Animé de cette juste humilité, le relativiste est devenu en un siècle le plus grand, le plus arrogant alchimiste de l'histoire de la langue. Alchimiste à l'envers, il troque "foi" contre "je crois que", "beau" contre "j'aime bien", "bien" contre "ça m'arrange", "causalité" contre "selon moi", "vérité" contre "je pense que", "Oui" contre "Pourquoi pas?".
Saine hygiène, la langue n'en a cure, elle a horreur du vide.
Car il ne suffit pas de décréter l'absolu "out", encore faut-il l'éradiquer du dictionnaire. Loin de disparaître, les termes ayant rendu de bons et loyaux services au leurre absolutiste sont cooptés par la mode relativiste.
Le relativiste s'abandonne aux vieilles formules déchues, il sait, il explique, il vénère, il a mal aux dents à en crever, il aime même. A chaque écart de langage il incrimine sa deuxième nature,
(P) Japonais Retors: Qui fait passer son être pour du paraître,
à chaque lapsus, il plaide "façon de parler", or
(P) "Tout" est une façon de parler tout ne l'est pas.
"Que votre langage soit oui oui, non non, le reste vient du mal". Le reste, c'est "oui... mais" - le faux 1, - c'est "non... mais" - le faux O, - l'un comme l'autre mènent au Vivre touristiquement du 2+.
Quand à la question "Pourquoi moi?" la réponse est "Pourquoi pas?", tourne le dos ou fais le mort,
(P) Dis Oui, et faute de mieux, Non.